Tome I: Le chérisseur de têtes et autres pacotilles pour le club Diogène (1871-1877)
Trois coups retentirent à la porte, dont la vigueur péremptoire ne laissait aucun doute sur l’identité du nouvel arrivant. « Le Maréchal ! » s’exclama Lison.
Fédor balança son livre par terre, oublieux de l’enthousiasme qu’il lui procurait, et trotta jusqu’à la porte.
L’homme, aussi rectangulaire qu’une commode, occupait tout l’encadrement. Bien qu’il fût le plus âgé de l’assemblée, avec la soixantaine qui blanchissait sa barbe coupée au carré, il compensait ce handicap par une présence impressionnante et tonique qui lui avait d’ailleurs valu son surnom militaire au sein du Club. Avant même de faire un pas, avant que l’impatient Vayec lui eût posé la traditionnelle question, il eut en guise de salutation cette syllabe tonitruante :
« J’ai ! »
Cette nuit encore, le club Diogène pourra donc lutter contre son pire ennemi : l’Ennui. Paris, en cette fin de XIXe siècle, est d’un assommant… La grosse ville s’embourgeoise et pue les vapeurs de l’industrialisation. Cela mérite bien qu’à la lune levée on s’échappe de chez soi, et qu’au cinquième étage d’un hôtel magnifiquement délabré on tienne d’occultes conciliabules, à l’affût d’une affaire de fantômes séduisants, de vampires perdus ou encore de cadavres en puzzle.
Dire que Vayec, Franklin, Lison, Camille, le Maréchal, d’Orville et Fédor ne se connaissent même pas ! Dire que ce ne sont que des noms de guerre, sous l’anonyme impunité desquels ils œuvrent dans l’étrange et le sang. « Monsieur », leur énigmatique patron, les a mis en garde : interdiction pour eux de se fréquenter en dehors du Club !
Il apparaît donc, dès ce premier volume, que le club Diogène lui-même ne constitue pas le moindre mystère des onze aventures ici réunies.
Le Chérisseur de têtes, premier volume des aventures du club Diogène, rassemble 11 histoires, dont 5 déjà publiées par la Clé d’Argent. Cependant toutes les nouvelles ont été entièrement révisées par les auteurs pour cette édition.
Préface de Christophe Thill
La mort et quelques amis s’invitent chez le club Diogène (1878-1885)
La gaffe se produisit au cœur tortueux de l’escalier, là où les marches étaient les plus traîtresses. Le tonneau trompa-t-il les doigts de Franklin ou triompha-t-il des biceps du Maréchal, qu’importe, pendant que les deux hommes s’accusaient mutuellement, le tonneau dégringolait par rebonds dans un vacarme de tous les diables. Miraculeusement, il finit sa chute debout, calé d’aplomb contre ses congénères.
Mais les secousses avaient dérangé ce qui croupissait à l’intérieur. Au début, ça se mit à taper. Le Maréchal et Franklin supposèrent qu’il s’agissait des remous du liquide, amplifiés par le ballottage des morceaux solides qui nageaient dans cette drôle de soupe. Mais voilà que ça se mettait à cogner plus fort ! Avec des poings, eût-on dit.
Quelque chose paraissait vouloir sortir du tonneau.
« Y a quelqu’un ? » appela le Maréchal en se baissant malgré lui sur le fût.
Ça répondit.
*
Les années passent, mais au cinquième étage de l’hôtel Impérial, tel un phare sans compassion, la lumière du club Diogène veille toujours sur les hauts-lieux et les bas-fonds de Paris, à l’affût d’une distrayante monstruosité qui viendrait à passer.
Rien n’a vraiment changé.
Certains en prennent peut-être plus à leur aise avec les règles édictées par Monsieur : ainsi Vayec et Franklin, en compagnie leurs belles, arpentent-ils en plein jour Montmartre. Mais, « D’une rue à l’autre », ils risqueront bien de se perdre.
Le Maréchal commence à ressentir les affres de la vieillerie : qu’à cela ne tienne ! Ce sera l’occasion pour le Club de se mesurer à un effarant gang de p’tits vieux.
Il y a aussi les ennemis séculaires du Club, comme le vieil Ésope, qui à grands coups de fables, de métamorphoses et d’incendies cherchent à prendre leur revanche. Fédor et les siens en ont maté d’autres.
Enfin O tempora o mores oblige, la gente féminine entend bien occuper le devant de la scène, comme dans cette vaillante « Histoire de filles », où Camille et Lison en remontrent à tous les goujats.
Un sentiment de truculente invulnérabilité pourrait légitimement gagner ces héros sans discipline et les lecteurs éblouis de leurs exploits pas toujours recommandables. Pourtant, au terme de ces quinze nouvelles aventures, le club Diogène perdra l’un des siens…
Cauchemars sur le club Diogène (1886-1889)
« Ainsi c’est toi, dit calmement le Russe. Tu as osé pénétrer ici avant même d’être des nôtres ? Tu vas regretter ton audace, Prétendant. »
L’autre ne bronchait pas, comme une grande marionnette élégante, attendant le bon moment pour se mettre en branle.
« Tu crois qu’on va donner la place de Lison à un chapardeur de culotte et de mouchoir ? Il te faudrait bien d’autres preuves, pour mériter le droit d’être le septième membre du club Diogène. Je te le dis, ce ne sera pas toi. »
L’autre ne répondit rien. Excédé, Fédor reprit :
« Je vais donc, sans ton accord, t’attraper, te maîtriser, te ligoter et te refiler à Monsieur, qui pourra te renvoyer à tes limbes. La seule Succession à laquelle tu auras droit, ce sera celle de mes poings sur ta tronche. »
Le Prétendant, bien que d’une carrure moindre, dominait Fédor d’une quasi tête, mais sa figure demeurait résolument retirée dans les discrétions d’un haut col de manteau et d’un chapeau Lafayette.
« Que la lumière soit ! » cria Fédor en lançant son chandelier.
*
Toujours en deuil, le club Diogène n’acceptera qu’à contrecœur un remplaçant à Lison, et celui-ci devra faire sa place au cours de ces quatorze nouvelles aventures. Le lecteur apprendra, pour son plus grand profit, qu’il ne vaut mieux pas pousser des portes noires ouvrant sur des églises inachevées, ni sauver des matrones tziganes qui vous lisent un avenir dont vous vous seriez bien passés. Dans ce troisième volume, les cadavres sont parfumés, les démons sèment des crottes sur les escaliers et une secte de castrats russes envahit Paris. Vayec, quant à lui, joue à disparaître.
Enfin, l’heure est aux fantômes. Nul suaire, nulle spectralité, mais des bagnards d’outre-tombe, une lettre, une île au trésor, et un effarant livre de comptes. C’est le passé du club Diogène qui commence à revenir le hanter, et à le guider dans les dédales du Paris infernal...
Quelque chose paraissait vouloir sortir du tonneau.
« Y a quelqu’un ? » appela le Maréchal en se baissant malgré lui sur le fût.
Ça répondit.
Rien n’a vraiment changé.
Certains en prennent peut-être plus à leur aise avec les règles édictées par Monsieur : ainsi Vayec et Franklin, en compagnie leurs belles, arpentent-ils en plein jour Montmartre. Mais, « D’une rue à l’autre », ils risqueront bien de se perdre.
Le Maréchal commence à ressentir les affres de la vieillerie : qu’à cela ne tienne ! Ce sera l’occasion pour le Club de se mesurer à un effarant gang de p’tits vieux.
Il y a aussi les ennemis séculaires du Club, comme le vieil Ésope, qui à grands coups de fables, de métamorphoses et d’incendies cherchent à prendre leur revanche. Fédor et les siens en ont maté d’autres.
Enfin O tempora o mores oblige, la gente féminine entend bien occuper le devant de la scène, comme dans cette vaillante « Histoire de filles », où Camille et Lison en remontrent à tous les goujats.
Un sentiment de truculente invulnérabilité pourrait légitimement gagner ces héros sans discipline et les lecteurs éblouis de leurs exploits pas toujours recommandables. Pourtant, au terme de ces quinze nouvelles aventures, le club Diogène perdra l’un des siens…
Cauchemars sur le club Diogène (1886-1889)
« Ainsi c’est toi, dit calmement le Russe. Tu as osé pénétrer ici avant même d’être des nôtres ? Tu vas regretter ton audace, Prétendant. »
L’autre ne bronchait pas, comme une grande marionnette élégante, attendant le bon moment pour se mettre en branle.
« Tu crois qu’on va donner la place de Lison à un chapardeur de culotte et de mouchoir ? Il te faudrait bien d’autres preuves, pour mériter le droit d’être le septième membre du club Diogène. Je te le dis, ce ne sera pas toi. »
L’autre ne répondit rien. Excédé, Fédor reprit :
« Je vais donc, sans ton accord, t’attraper, te maîtriser, te ligoter et te refiler à Monsieur, qui pourra te renvoyer à tes limbes. La seule Succession à laquelle tu auras droit, ce sera celle de mes poings sur ta tronche. »
Le Prétendant, bien que d’une carrure moindre, dominait Fédor d’une quasi tête, mais sa figure demeurait résolument retirée dans les discrétions d’un haut col de manteau et d’un chapeau Lafayette.
« Que la lumière soit ! » cria Fédor en lançant son chandelier.
Enfin, l’heure est aux fantômes. Nul suaire, nulle spectralité, mais des bagnards d’outre-tombe, une lettre, une île au trésor, et un effarant livre de comptes. C’est le passé du club Diogène qui commence à revenir le hanter, et à le guider dans les dédales du Paris infernal...
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